La guerre d’Algérie laisse des cicatrices vives. Une traditionnelle cérémonie nationale en hommage aux morts pour la France de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie se tenait ce mardi 5 décembre, au Monument aux Morts des deux Guerres de Nîmes. L’occasion de présenter le porte-drapeau du commando Cobra, Jean Calderon, vétéran haut en couleur qui, à 84 ans, se souvient du front comme si c’était hier.
Sous le poids de l’âge, les vétérans s’enfoncent dans la crypte. Étendard dans les mains, ils saluent protocolairement les gerbes déposées par des représentants officiels. Les costumes sont de sortie, sauf pour l’un d’entre eux… En treillis militaire, « C’est lui qu’il faut interroger si vous voulez un témoignage de l’époque », lance un ancien combattant. Il est temps d’approcher le monument.
Jean Calderon est né à Oran. C’est dans cette ville multiculturelle bordant la Méditerranée qu’il grandit. Fils de Pieds-noirs, il trime comme il pouvait être d’usage à l’époque. « De l’âge de 8 ans jusqu’à mes 18 ans, je vendais des beignets dans la rue », se rappelle-t-il chaleureusement malgré la fraîcheur du jour. À sa majorité, il quitte le cocon familial, sa propre émancipation passera par les armes.
«Accroche-toi»
L’armée, c’est toute sa vie. Loin des débats politiques, ce soldat français dans l’âme terminera sa carrière comme Major au Camp des Garrigues. Cette vie de combattant débute en 1957, au sein du Groupement mobile de police rurale, « un peu comme la police municipale, chez les harkis », rappelle-t-il.
« Je suis arrivé, ils m’ont montré comment utiliser un fusil US17, le soir même ils m’ont mis de garde. Les fellaghas ont attaqué la ferme. Il faisait nuit noire, vers 23 heures. Ça tirait. Moi je ne savais pas alors j’ai tiré un coup à gauche, puis un coup à droite avec mon fusil, le temps que les autres soldats se lèvent, car ils dormaient », dit-il sur le ton de la plaisanterie.
Les souvenirs se racontent avec légèreté, distancés de l’adrénaline d’autrefois. Un an plus tard, il s’engage avec l’armée française. Quatre mois de formation à Rennes, « la première fois que je traversais la Méditerranée pour la France », avant d’être envoyé à Saïda. Là-bas, il y rencontre le général Marcel Bigeard qui décide de créer le commando Cobra, avec une devise : « Accroche-toi ».
Une reconnaissance périlleuse
Sa mission ? « Quoi qu’il en soit, battre les fellaghas (NDLR: combattants pour l’indépendance) ». Il raconte la multitude de combats auxquels il a pris part. Entre 1958 et 1962, « pas un mois sans combat ». Certains marquent plus que d’autres. Parmi eux, la bataille djebel Bénidir, le 6 avril 1960, combat où 80 ennemis sont postés sur une colline.
« 4 morts et 12 blessés. On a mis 8 heures pour avancer au sommet. Ce jour-là, je me suis pris une rafale dont les balles sont passées juste entre mes jambes», se souvient-il. Autre fait marquant, à la frontière du Maroc dans un camp qui formait les soldats pour l’indépendance. Ce jour-là il est envoyé en reconnaissance.
« J’ai failli mourir, c’est moi du groupe qui suis allé le plus loin ». Une excursion qui lui vaudra le surnom de « fou » au sein du groupement militaire. Par radio, « je dis à mon lieutenant “bon, il n’y a rien à signaler”. À peine je dis ça, on commence à me tirer des rafales de mitrailleuses ». Encerclé ou presque, il doit sa survie à « un rocher de la taille d’un sac à dos ». La technique du « repli en perroquet », consistant à un harcèlement de l’ennemi par d’autres militaires pour distraire, lui permet de s’extirper.
En 1962, il quitte l’Algérie dans le chaos qui règne sur place. Il intègre le 22e bataillon de Chasseurs alpins à Nice. « Je ne savais pas que ça existait, qu’il y avait des militaires qui faisaient du ski », s’amuse-t-il. Comme souvent dans sa vie, Jean Calderon a dû s’adapter, apprendre, mais surtout rester fidèle à lui-même.