La tension est palpable. La révolte continue pour de nombreux agriculteurs appuyés par les organes représentatifs de la profession. Ce lundi matin, des centaines de tracteurs bloquent toujours l’autoroute A9 au niveau de Nîmes Ouest. Une centaine d’élus du département sont venus soutenir le mouvement alors que la colère ne faiblit pas.
La fatigue commence à se sentir, la nervosité qui l’accompagne aussi, mais ils ne lâcheront pas ! Les centaines d’agriculteurs sur le point de blocage se disent déterminés à ne pas lâcher le mouvement tant que le gouvernement ne répondra pas à leurs attentes. « Il faut continuer et surtout ne pas s’arrêter », explique par exemple Didier, propriétaire de la Manade des Oliviers à Congénies.
Son parcours illustre bien le mécontentement au goût du jour. Propriétaire de l’exploitation depuis 30 ans, il affirme ne « jamais avoir réussi à se sortir un salaire ». Pendant 10 ans, l’homme explique avoir enchaîné plusieurs boulots en plus de son travail à la manade. Aujourd’hui avec une prothèse au genou et à l’épaule, il ne peut plus se le permettre. Il est obligé de diversifier son élevage : dans ses prés, des vaches à lait et des moutons se sont ajoutés aux taureaux de Camargue.
«Un abus complet dans tous les domaines»
Ça ne suffit toujours pas. Présent sur ce point de blocage, il sacrifie de son temps qu’il devait consacrer à la rénovation d’un de ses locaux, destiné à devenir une salle pour accueillir des événements. Une façon d’appuyer un peu plus sur la difficulté financière dans laquelle son exploitation est plongée. Je continue parce que j’aime ça, j’aime mes bêtes, mais il ne faudrait pas être pris pour des cons et là on est vraiment pris pour des cons », lâche-t-il.
« Il y a un abus complet dans tous domaines. À un moment donné, la casserole est pleine et ça suffit » affirme quant à lui, Mathieu Allemand, éleveur et maraîcher à Montfrin. Depuis près d’une semaine, il vient sur les blocages porter main forte, quitte parfois à y passer la nuit.
« On a des problèmes un peu partout : sur les troupeaux avec la nouvelle maladie, des problèmes administratifs, des problèmes sur la concurrence déloyale, des problèmes pour payer le gazole non routier, des problèmes sur les charges salariales, sur les charges de la MSA », dit l’éleveur remonté. Sa liste est longue et pourrait encore s’allonger.
La concurrence déloyale, principale préoccupation des manifestants
Une thématique revient tout le temps : «la distorsion de concurrence entre les pays européens». « On ne produit pas avec les mêmes règles. Les produits que font nos collègues étrangers entrent sur le territoire français. Nous on n’a pas le droit de produire d’une certaine façon à cause des interdictions et les produits qui rentrent tous les jours sont cultivés de façon à ce qu’on ne veuille pas que les Français cultivent », explique Cédric Santucci, céréalier et riziculteur à Saint-Gilles
Ces problématiques ne datent pas d’hier. Vice-président de la Chambre d’agriculture et membre du bureau de la FDSEA, il l’atteste : « Cette mobilisation, malheureusement, est attendue depuis longtemps parce que ce n’est pas faute d’avoir signalé à une multitude de reprises, lors de réunions avec des élus, le préfet, la DDTM… Malheureusement, les années passant, il n’y a pas eu grand-chose de concret sur le terrain et c’est ce qui amène à des situations d’excès comme maintenant. Il y a vraiment le ras-le-bol », affirme Cédric Santucci.
«Pas de perspective d'avenir»
Du côté des jeunes, le portrait dressé paraît tout aussi apocalyptique. Ludivine Verlaguet, présidente des Jeunes Agriculteurs du Gard, témoigne que de moins en moins de jeunes se lancent en agriculture. « On a un métier qui n’est plus rémunérateur, on a des charges qui augmentent et pas de perspective sur l’avenir », dit-elle.
Dans ce désastre, les accords de libre-échange sont pointés du doigt. Le dernier adopté par l'Union européenne, en décembre 2023, permet aux produits venant du Chili de passer outre 99,9 % des droits de douane. Selon elle, la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs est peut-être la goutte d’eau qui fait déborder le vase, mais les causes sont plus profondes. « On voit bien que ça va mal dans tout un tas de filières », conclut la viticultrice gardoise.
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