Elle vivait à quelques mètres de là lors de son arrestation en 1942. Décédée à 100 ans en mai 2023, Andrée Julien est mise à l’honneur ce lundi matin. La Ville de Nîmes inaugure le nouveau nom du square d’Alicante en souvenir de celle qui fut la dernière gardoise a avoir survécu aux déportations du régime nazi.
Le drapeau nîmois, rouge et vert, laisse apparaître la plaque commémorative. « Andrée Julien 1923-2023, résistante, déportée de Ravensbrück, officier de la Légion d’honneur ». Ici, dans ce square aménagé pour les enfants, ce nom rattaché à la résistance trône fièrement. En 1942, à quelques mètres d’ici, la jeune Andrée, 18 ans, qui travaille dans la mercerie de sa mère, est arrêtée sous les ordres du préfet Angelo Chiappe alors que la France se torture sous le régime collaborationniste de Pétain.
« Elle a fêté ses 20 ans aux Baumettes », raconte son petit-fils qui a baigné toute sa vie dans les enseignements de sa grand-mère. « Du matin quand elle buvait son café jusqu’à ce qu’elle aille se coucher, elle nous racontait les péripéties de sa déportation », dit Stéphane Serra, accompagné de Claire et Marie, les arrière-petites-filles. Pour lui, « courage et tolérance » sont les valeurs qu’incarne mamie, cette résistante « agente de liaison », fille d’un cheminot adhérent du parti communiste au moment du Front populaire.
Au camp de Ravensbrück puis dans une usine d'obus
À Marseille, elle est condamnée par une brigade spéciale, « mais bidon », à 5 ans de travaux forcés. Elle est ensuite déportée au camp de concentration de Ravensbrück, situé à 80 km au nord de Berlin, avant d’être transféré dans une usine de fabrication d’obus à Leipzig-Schönefeld, en juillet 1944. Là-bas, elle incite les autres au sabotage et au ralentissement du travail. Elle parvient finalement à s’évader après l’évacuation du camp, en 1945, après trois jours de marche forcée.
Son décès est survenu il y a un an. Elle venait d’avoir 100 ans. « J’ai tout de suite demandé au maire de Nîmes de renommer un lieu en son honneur. Il m’a immédiatement donné son accord et m’a demandé de chercher un lieu. On a trouvé ce lieu à 30-40 m du lieu où elle habitait pendant la guerre de 39-45, où elle a été arrêtée au 28 de la rue Salomon Reinach », explique Jean Paul Boré, président de l’association des amis de la fondation pour la mémoire de la déportation (AFMD).
« Je suis plus que content et heureux qu’on puisse rendre hommage à ma grand-mère. C’est vraiment une reconnaissance qu’on lui donne aujourd’hui par rapport à ce qu’elle a vécu et tout ce qu’elle a essayé de faire perdurer au niveau des écoles depuis plus de 20 ans (…) Je pense que ca va faire perdurer, c’était quelqu’un qui avait un nom dans ce quartier. Les anciens savent très bien qui est madame Julien », témoigne Stéphane Serra.
«C'est Hitler qui est mort, pas le nazisme»
De retour à Nîmes, Andrée Julien devient une véritable passeuse de mémoire. « Elle est beaucoup intervenue dans les écoles, collèges et lycées. À Nîmes, je pense qu’elle les a tous faits, mais aussi dans toute l’Occitanie et en région PACA », explique son petit-fils. Décorée de la médaille d’Officier de la Légion d’honneur en octobre 2022, elle déclare : « C’est Hitler qui est mort, pas le nazisme. Ce dernier peut revenir à tout moment et dans tout endroit du monde ».
Ces paroles glaçantes sont saluées par Jean-Paul Boré. « Ce travail incessant de mémoire est d’autant plus un enjeu que le contexte mondial tente de faire bégayer l’Histoire. Les actes antisémites ne cessent de croître, la guerre est aux portes de l’Europe. Les héritiers de Pétain en France, de Mussolini en Italie ou d’Hitler en Allemagne sortent de l’ombre, donnant raison à cette phrase attribuée à Arturo Ui, “Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde” ».
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