Ils peuvent être les premiers témoins, mais le secret professionnel était un obstacle. Ce mardi 6 février, la procureure de la République à Nîmes, Cécile Gensac, invitait la presse pour officialiser la signature d’un protocole de mise en œuvre du signalement médical dans le cadre de violences conjugales avec l’ordre des kinésithérapeutes.
« Dans nos cabinets, on voit les gens à nu, entre parenthèses, et c’est vrai que personne ne savait trop comment faire », indique Éric Lefort. Le président de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard passe aux aveux : « Je pense que beaucoup de kinés n’osaient pas, du fait du secret professionnel. Là, ça va bien mettre les choses à plat et on va essayer de travailler ensemble », dit-il.
« Je découvre une juridiction qui n’échappe pas à la règle ». Nommé fin novembre procureur de la République à Alès, Abdelkrim Grini déplore le nombre de dossiers relevant de violences intrafamiliales. « Il y en a eu énormément en 2023 : 260 dossiers traités, une cinquantaine de comparutions immédiates pour quelque 260 personnes condamnées, essentiellement des hommes », énonce-t-il.
En cas de danger immédiat, passer outre le consentement de la victime
Concrètement, que change cette convention ? La procureure de la République à Nîmes donne quelques détails. La première étape du professionnel reste l’obtention du consentement du patient à témoigner. S’il ne l’obtient pas, « à partir du moment où le kiné va avoir le sentiment que la personne est vraiment sous emprise et en danger immédiat, il va devoir passer outre ce consentement », précise-t-elle. Pour cela, elle devra contacter l’ordre des kinésithérapeutes qui transmettra l’information au parquet.
« L’idée de ce protocole, c’est de remettre en place le cadre de la loi sur l’autorisation de lever un secret professionnel médical, dans les règles, sans être inquiété, de façon à pouvoir sauver des vies. Au-delà de ça, cette convention met en place des modalités d’actions pour savoir comment dénoncer à l’autorité judiciaire », précise Cécile Gensac, procureure de la République à Nîmes.
D'autres conventions signées ces dernières années
Ce type de convention n’est pas nouveau dans le département. En 2021, le parquet en signait une similaire avec l’Ordre des médecins. L’année dernière, ce même protocole est ratifié avec le Conseil de l’Ordre des sages-femmes du Gard. La procureure de la République à Nîmes indique cependant que ces conventions n’ont permis que très peu de dénonciations.
Ces protocoles sont fréquents depuis 2019. Leur expansion fait suite au Grenelle contre les violences faites aux femmes, lancé par le gouvernement en septembre de la même année où 30 mesures contre les violences faites aux femmes sont annoncées.
« Depuis de nombreuses années, les violences familiales sont vraiment quelque chose qui a été pris à bras le corps par l’autorité judiciaire et la signature de cette convention en est la parfaite illustration », déclare Abdelkrim Grini, procureur de la République à Alès.
Les chiffres de ces violences sont en augmentation. Pour autant, Cécile Gensac préfère rester prudente quant à une interprétation de la tendance. Il serait ainsi préférable de parler de «libération de la parole» que de déchaînement nouveau de violences intrafamiliales.
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