Les médecins de l'hôpital sont sous le choc. Il y a quelques jours, le directeur du CHU de Nîmes est démis de ses fonctions par un décret présidentiel. Cette décision intervient dans un contexte tendu : un procès à son égard pour «favoritisme et corruption passive». Pourtant, plus de 300 medecins et soignants clament leur soutien au directeur déchu, Nicolas Best.
«C’est une irruption du pouvoir politique dans une affaire du ressort de la justice», dénonce son avocat, Maïtre Expert. Du côté de l’hôpital, les médecins se disent «extrêmement choquées d’apprendre qu’en plein milieu de son procès, notre Directeur général, Nicolas Best, a été limogé sans attendre le délibéré», peut-on lire dans une tribune de la Commission médicale de l’établissement signée par 153 docteurs.
C’est dans la capitale que Nicolas Best apprend le retrait de ses fonctions. Devant le tribunal correctionnel de Paris, le procès est suspendu par deux questions de la défense qui seront débattues en Cour de Cassation. Le mercredi même, il est informé de la parution d’un décret à son égard. Il est publié le lendemain au Journal officiel du 16 novembre.
Une question de présomption d'innocence
«Par décret du Président de la République en date du 14 novembre 2023, l’emploi de directeur général du centre hospitalier universitaire de Nîmes (Gard), occupé par M. Nicolas Best, directeur d’hôpital de classe exceptionnelle, lui est retiré dans l’intérêt du service». L’homme est lâché par ses supérieurs hiérarchiques, le ministère de la santé, en plein procès. Selon lui, la présomption d’innocence n’est pas respectée.
Le décret signé de la main du président, « c’est totalement inhabituel et contraire à la séparation des pouvoirs, avance son avocat, maître Expert. Il y a deux grands principes, celui de la présomption d'innocence, et celui que le pouvoir politique ne doit pas interférer dans le judiciaire ». Selon monsieur Best, « la médiatisation outrancière» de l’enquête est l’origine de ce qu’il qualifie d’acharnement.
À l'hôpital, la communauté médicale s'aligne derrière son directeur. La tribune de la Commission médicale de l’établissement souligne le bilan du directeur du CHU depuis 2018. «Au cours du mandat de Nicolas Best, notre établissement s'est considérablement développé. (...) De nombreux projets immobiliers ont vu le jour, mettant ainsi à notre disposition un plateau technique innovant et un hébergement de grande qualité pour nos patients. (...) Notre établissement a été brillamment certifié avec la plus haute mention Haute qualité des soins par la Haute Autorité de Santé», peut-on lire.
Ce texte soutient la mise en place d’une gouvernance donnant un large pouvoir à la communauté médicale. Instaurée notamment par Nicolas Best, alors directeur adjoint du CHU, elle délègue la gestion de différents aspects de l’hopital à des commissions dirigées chacune par un binôme administratif-médecin.
Soutien du maire
À l’origine du dossier : un rapport critique de la Chambre régionale des comptes (CRC), en 2021, concernant la gestion du CHU d’Annecy. Nicolas Best, ayant dirigé l’établissement de 2014 à 2018 avant sa prise de fonction de directeur au CHU de Nîmes en 2019, est directement visé. En février 2022, des policiers mènent des perquisitions retentissantes dans son bureau et à son domicile. Il est placé en garde à vue en mai 2022.
Le 17 mai 2023, les sociétés lyonnaises Bouygues Bâtiment Sud Est et Linkcity Sud Est, impliquées dans cette affaire, se sont engagées à verser une amende de 7 964 000 euros au Trésor public à l’issue de négociations avec le parquet national financier. Nicolas Best, refusant lui toute reconnaissance de culpabilité, est envoyé devant le tribunal correctionnel.
Le procès est suspendu car la Cour de cassation devra se prononcer sous trois mois. La procédure au correctionnel devrait reprendre durant l’été 2024. En attendant, Nicolas Best est au chômage. Le maire de la ville lui apporte son soutien. Dans les colonnes de nos confrères Midi Libre, Jean-Paul Fournier se dit «déçu que Nicolas Best ait été complètement foutu dehors», «qu'il ne le méritait pas».
L’Agence régionale de santé a informé, le mercredi, Éric Dupeyron de sa nouvelle fonction de directeur par intérim du CHU. Un nouveau directeur sera nommé prochainement par décret sur proposition du ministre de la Santé et du ministre des Universités et de la Recherche.
Dans le même temps, à l’hôpital, les docteurs ne sont pas les seuls à apporter leur soutien. Une pétition du personnel soignant intitulée « Rendez-nous notre directeur général du CHU de Nîmes » a réuni plus de 150 signatures sur le site change.org.
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