«Un recul sans précédent de l'activité sexuelle en France». La conclusion d’un sondage IFOP mené pour l’entreprise de sex-toys Lelo sonne comme une alerte de «sexe récession». Parmi les multiples causes : les écrans ou encore les changements dans les mœurs. À Nîmes, le sexologue Antoine Clavero ne se dit pas surpris par cette réalité qu’il constate tous les jours auprès de ses patients.
«Il n’y a rien qui me choque dans cette étude par rapport à ce que je retrouve dans mes consultations», déclare Antoine Clavero. Sexologue clinicien, psychanalyste, thérapeute de couple, ce praticien exerçant entre Nîmes et Montpellier s’est plongé pour Le Réveil du Midi dans cette enquête IFOP menée auprès d’environ 2 000 personnes.
Que révèle-t-elle ?« La proportion de Français(es) ayant eu un rapport au cours des 12 derniers mois n’a jamais été aussi faible en cinquante ans : 76% en moyenne, soit une baisse de 15 points depuis 2006. Le taux d’activité sexuelle annuelle tombe ainsi à un niveau encore plus faible qu’en 1970, peut-on lire dans le rapport. L’activité sexuelle perd aussi en intensité : 43% des Français(es) rapportent avoir, en moyenne, un rapport sexuel par semaine, contre 58% en 2009.
«En très peu de temps, ça a vraiment baissé. Par rapport aux années 80, le nombre de personnes qui ne font plus l’amour est énorme», commente Antoine Clavero, mettant l’accent sur le climat environnemental, géopolitique, sécuritaire. «En général, lorsqu’ils sont en couple et que les deux n’ont pas envie de faire l’amour, ils ne vont pas consulter un sexologue, car cela correspond. Malheureusement dans un couple, très souvent il y a un des deux qui subit l’abstinence ou le non-désir de l’autre et c’est là où j'interviens», rappelle-t-il.
Sur les écrans de téléphone, du porno à outrance...
Les jeunes seraient particulièrement affectés. Plus d’un quart des jeunes de 18 à 24 ans (28%), déjà initié sexuellement, admettent ne pas avoir eu de rapport en un an, soit cinq fois plus qu’en 2006 (5%). L’étude souligne de multiples causes à cette tendance. L’une des plus notables est l’omniprésence des écrans dans notre mode de vie entraînant une concurrence d’activités sexuelles numériques.
Les réseaux sociaux, les téléphones… «Les jeunes sont vraiment immergés d’écran. Ça crée une image fantasmatique derrière et on s’éloigne de la réalité. Une réalité qui peut faire peur, inquiéter, nous faire ressentir de ne plus être en phase avec l’époque», dit le sexologue. «Les téléphones portables sont vraiment nocifs, ajoute-t-il. Par exemple, au restaurant, on voit des couples où chacun est sur son téléphone, répond à des messages, regarde des vidéos. On a l’impression d’avoir abandonné l’intimité».
Il pointe particulièrement du doigt le rôle de la pornographie, jouant un rôle catastrophique dans la construction de la vie sexuelle. «Les 27-30 ans d’aujourd’hui ont vu leur premier film porno à 11-13 ans et ça a fortement marqué garçons et filles», constate le sexologue clinicien. Selon lui, il faudrait considérer la pornographie comme de la science-fiction, «car tous les codes sont complètement erronés, mais beaucoup de jeunes pensent que la sexualité amoureuse est identique, donc ils s’en inspirent».
Me Too et ses conséquences aux multiples facettes
« Forcément, ça amène des vocations de performances, de stimuli très forts qu’on ne retrouve pas dans la réalité, donc ils sont déçus. Très souvent, notamment chez les femmes, elles développent une sexualité qui n’est pas la leur. Elles se sont donné un rôle et au bout de quelques années, elles sont dégoûtées par la sexualité, ne savent pas ce qu’elles aiment et surtout qui elles sont».
Autre facteur à prendre en compte dans cette baisse de la sexualité : la question du consentement. « Le mouvement Me too a été une sorte de séisme, dit-il. Aujourd’hui, on ne prend plus de gant, on dit non, j’ai plus envie, point. Le respect du consentement est beaucoup plus présent ces dernières années et ça, c’est plutôt une bonne chose», affirme Antoine Clavero.
Et encore. Ces changements de mœurs depuis l’époque «du devoir conjugal» sont encore mal aboutis. Une sorte de «méfiance» se serait installée. «Les garçons se disent, je vais attendre que ce soit elle qui me sollicite, comme ça on ne pourra pas dire que j’étais harceleur. Et c’est vrai que certaines femmes vont se dire, s’il ne vient pas vers moi, c'est que je ne l'intéresse pas. Envoyant des mauvais signaux l’un ou l’autre, le désintérêt apparaît alors comme réciproque», conclut Antoine Clavero. Cette tendance serait d’autant plus prégnante dans la culture latine, contrairement aux cultures anglo-saxonnes où la femme assumera davantage son désir.
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