«Des dix cours menacées, Nîmes est la plus performante, mais la plus exposée...»
«Je ne hurle pas aux loups» pose le bâtonnier, qui, face au dogme simplificateur, explicite : «Nîmes est à la croisée de 3 régions. Le ressort de la Cour d’appel de Nîmes concerne l’Ardèche (région Rhône-Alpes, donc probablement rattachée à Lyon), le Vaucluse (région PACA, qui relèverait donc de la Cour d’appel d’Aix et la Lozère (région Occitanie, donc ressort de Toulouse)». Par ailleurs, l’Occitanie compte aujourd’hui quatre Cours d’Appel : Toulouse, Montpellier, Agen et Nîmes. «C’est la double faute» sourit à peine le bâtonnier qui tient cependant à «rester confiant. On peut être l’exception ».Chiffres contre dogme du chiffre
A la simplification aveugle, Jean-Michel Divisia oppose une réalité chiffrée éloquente : «8 000 dossiers par an, à peine1 000 de moins que Toulouse, 48 magistrats, et nous sommes classés en 11ème position sur les 36 cours d’Appel de France. Des délais de 10 à 12 mois, Montpellier c’est trois ans, Aix deux et demi….». Et d’ajouter «nous sommes dans le premier tiers des recours en cassation et il y a très peu de décisions cassées». Pour un budget de 8 M€, «est-ce que retirer deux rémunérations de magistrats feront peser la balance ?». La logique parisienne tient-elle dans un contexte de vrais besoins avec une démographie exponentielle ? «Chaque année, sur l’arc méditerranéen, la population augmente de 1,5%». La règle, c’est une cour d’Appel pour 1,6 M d’habitants, «dans le Sud, c’est une cour d’Appel pour 2,6 M d’habitants alors que nous sommes au 4ème ou 5ème rang sur le taux de criminalité». Sans compter que Lyon et Aix-en-Provence sont saturés. Des 360 avocats inscrits au barreau, combien quitteront Nîmes pour se rapprocher de la cour d’appel, l’université aussi va se vider…» prévoit le bâtonnier qui évoque les conséquences directes pour les justiciables «qui devront se rendre à Toulouse pour un appel» mais aussi pour l’écosystème économique du territoire «les professions règlementées, associées, les huissiers, les notaires qui déménageraient probablement leur Institut des métiers du notariat basé ici» , les commerçants, l’immobilier...
Peser dans la concertation
«Il ne faut pas s’illusionner» explique le bâtonnier. «Le président Macron s’est positionné comme celui qui veut faire ce que les autres n’ont pas et réussi à faire et c’est inscrit à son programme, qui est aujourd’hui parole d’Evangile. Mais on peut être l’exception. Nous tentons de nous faire entendre car c’est la période de concertation» avant que Philippe Houillon (LR) et Dominique Raimbourg (PS), deux avocats, anciens députés et ex-présidents de la commission des lois, chargés de mission du gouvernement, remettent leur rapport au gouvernement le 15 janvier. Le bâtonnier Divisia attend du Premier ministre, Édouard Philippe et de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet «pragmatisme et bon sens….».Contentieux
«Tout est fait pour déjudiciariser» explique le bâtonnier. «Réforme de la procédure pénale ou civile, réduction du contentieux en appel, c’est pour gérer la pénurie». Un unique souci d’économie, «mais c’est une fonction régalienne avec des attentes toujours plus fortes de la population. C’est aussi le problème de la paix sociale» pose le bâtonnier «très préoccupé, mais optimiste». Difficile, quand on se souvient des propos de Jean-Jacques Urvoas : «La justice est en cours de clochardisation». SV(*)L’Amcan a investi 15 000€ auprès de l’Edater, organisme indépendant. Le rapport sera remis dans un mois.