Bien que l’amphithéâtre soit classé parmi les mieux conservés, les 2-3 ans de diagnostic ont révélé d'importantes dégradations. Pierres endommagées, desserrées... Le directeur général de l'atelier Bouvier, entreprise basée aux Angles (membre du regroupement de sociétés en charge des travaux de restauration), a accepté de dresser l'état des lieux du chantier mené sur le monument antique.
La restauration s'effectue '5 arches par 5', actuellement, les équipes se concentrent sur la tranche 2023 (arches 7 à 11). Il s'agit de la partie extérieure, et intérieure du monument (y compris les gradins)."Les diagnostics ont mis en évidence les détériorations subies, il a quand même 2000 ans ! Au fil du temps, la pluie a endommagé certaines pierres," rapporte Mary Bourgade, élue au patrimoine.
Le chantier de rénovation des Arènes de Nîmes (première tranche) a démarré en 2015. Chaque nouvelle tranche fait l'objet d'un appel d'offres. Depuis 2017, l'architecte Michel Gouttal est chargé de diriger le chantier.
"On veut garder les arènes dans leur jus"
Le parti pris par l'architecte : sauvegarder un maximum l'apparence du monument antique, "cristalliser les choses, on veut le figer comme il est, permettre à la façade de garder ses pierres intactes", affirme l'Atelier Bouvier.
"On veut garder les arènes dans leur jus, c'est un chantier colossal qui va durer 25 ans," souligne Mary Bourgade. Un travail de titan pour ceux qui en ont la lourde tâche. A commencer par l'atelier Bouvier, société spécialisée en rénovation de sculptures. "Les techniques de restauration de pierre sont élargies à la totalité des blocs antiques (...), appliquées à un édifice de cette taille, ce n'est pas la même difficulté !", note le directeur général de l'atelier Bouvier Gauthier. "Que ce soit sur sculpture ou édifice, on restaure avec le même soin."
Nettoyer, consolider, documenter
Arènes de Nîmes, palais de justice © Gaëlle Ohan-Tchélébian
Le travail de nettoyage du monument passe par éliminer de la surface du monument les dépôts exogènes qui en perturbent la bonne conservation.
Parmi les soins appliqués à la restauration des Arènes : injections de coulis dans les fissures pour consolider (mortier à base de chau et de charge minérale); placement de goujons (barre de fibre de verre de 6 à 12 mm de diamètre qui permet de coûturer la matière ancienne, le goujonnage'); application de solins, "un pansement à base de mortier qui permet de fermer le parement, au niveau de l’épiderme," rajoute G. Pourchet.
Objectif : empêcher les infiltrations d’eau...
Le sel, élément pathogène n°1 pour la conservation de la pierre
En cas d’infiltration : les mouvements d’eau sont chargés de sel, l’eau s’évapore à l’épiderme de la pierre, mais le sel se cristallise, "et risque de casser la cohésion de la pierre, qui retourne à l’état de sable". C'est pourquoi le dessalement est indispensable pour la conservation du monument. A l'aide d'une "compresse" que l'on applique sur la façade, les experts retirent les sels proches de la surface : "le sel s’infiltre à l’intérieur par les têtes de mur ou les fissures". Passage d'animaux, décomposition de végétaux… Plusieurs facteurs peuvent expliquer la présence de sel à la surfaces des pierres.
La technique du laser appliquée au monument
Le laser est une solution pour la partie sculpture, des essais de nettoyage ont été expérimentés au laser, sur le pilastre de la travée 9-10, le combat de gladiateurs qu’on ne voit plus aujourd'hui. « Ensuite on attend la validation de l’architecte (...), il s'agit d'éléments à forte valeur patrimoniale, on ne peut pas prendre le risque de faire disparaître des inscriptions en nettoyant". Pour cette raison, le nettoyage au laser se fait par observation au microscope digital (visible sur un pc).
Une solution efficace notamment pour lutter contre l'apparition de "croutes noires", générées par la pollution de l'air (dépôts atmosphériques qui encrassent la pierre).
Un chantier surveillé comme le lait sur le feu
© Nîmes Tourisme
Une équipe municipale est chargée de vérifier les travaux, en étroite collaboration avec l’architecte Michel Gouttal, et les équipes techniques de l’Inrap. "Ils mettent en oeuvre des techniques de nettoyage très pointues pour ne pas altérer l’édifice," précise Mary Bourgade. Rigueur est de mise : restaurateurs diplômés, recherche de comptabilité des matériaux... Le tout dans un souci de 'réversibilité' : "il faut pouvoir défaire ce que l'on fait" explique Gauthier Pourchet, Atelier Bouvier.
Tous les travaux réalisés sont documentés, un plan des façades repèrant chaque goujon placé, "cela fait partie du métier de restaurateur sur chaque prestation. »
Coût global des travaux : 54 M d’euros
« On a un devoir de participer à la préservation de ce monument exceptionnel et le transmettre aux générérations futures, » rajoute Mary Bourgade. A ce titre, le montant global des travaux (54M) est supporté à la fois par l'Etat (ministère de la Culture, à hauteur de 40%), la Ville (26%), le Département (10%), et enfin l'Agglo (4%).
"C'est une reconnaissance mondiale que vous avez un bien exceptionnel, » défend l'élue au Patrimoine.
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